Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/116

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 « Un honnête homme est l’œuvre la plus noble de la divinité. »

— J’ai toujours regardé cette maxime de Pope, que tout le monde répète, répondit Burchell, comme tout à fait indigne d’un homme de génie, comme un honteux abandon de sa propre supériorité. La réputation des livres tient, non à l’absence de tout défaut, mais à l’éclat de grandes beautés : celle des hommes devrait se mesurer aussi sur l’importance de leur vertu, non sur l’absence de tout défaut. Le savant peut manquer d’habileté, l’homme d’État peut avoir de l’orgueil, le militaire de la cruauté ; mais leur préférerons-nous l’obscur artisan qui traverse péniblement la vie sans mériter ni blâme ou éloge ? Autant vaudrait préférer la froide correction de l’école flamande aux incorrectes mais sublimes créations de l’école romaine.

— Votre observation, monsieur, est juste quand, à côté d’éclatantes vertus, il n’y a que de légers défauts ; mais quand, bien évidemment, de grands vices luttent, dans un même cœur, contre de grandes vertus, le tout ne mérite que mépris.

— Ces monstrueux assemblages de vertus et de vices peuvent exister, sans doute ; mais pour moi, de ma vie je n’en ai vu un seul exemple. Au contraire, j’ai toujours remarqué que, plus l’esprit est étendu, plus les sentiments sont bons. La Providence, à coup sûr, semble nous prouver sa tendresse par cette constante attention à affaiblir l’intelligence là où le cœur est corrompu, à diminuer la puissance là où existe la volonté de nuire. Cette règle s’étend même aux autres animaux ; toujours, chez les petites espèces, ruse, férocité, couardise ; chez les espèces fortes et puissantes, générosité, courage et noblesse.

— Oh ! tout cela sonne à merveille, et pourtant il serait facile, en ce moment même, de montrer un homme… » Je tenais mes regards fixement attachés sur lui… « dont la tête et le cœur forment un bien détestable contraste. Oui, monsieur, ajoutai-je en élevant la voix, je