Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/152

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tout entier allait, sans aucun doute, s’élever contre mes systèmes ; mais j’étais prêt à tenir tête au monde savant tout entier. Comme le porc-épic, je me roulai sur moi-même, un piquant dressé contre chaque adversaire.

— Bien ! mon garçon, dis-je ; et quel sujet avais-tu traité ? Tu n’avais pas, j’espère, oublié l’importante question de la monogamie…. Mais je t’interromps ; continue ; tes paradoxes furent publiés ; à merveille ! Mais que dit le monde savant de tes paradoxes ?

— Le monde savant, monsieur, ne dit rien de mes paradoxes, absolument rien. Chaque savant était occupé à se donner de l’encens à lui-même et à ses amis, ou bien à attaquer ses ennemis ; malheureusement je n’avais, moi, ni ennemis ni amis ; il me fallut subir la plus cruelle de toutes les mortifications, l’indifférence.

« Je méditais un jour, dans un café, sur le sort de mes paradoxes, lorsqu’un petit homme entra dans la salle ; il se plaça dans la loge en face de moi, et, après quelques questions préliminaires, voyant que j’avais fait des études, il tira de sa poche un paquet de prospectus, et me proposa de souscrire à une nouvelle édition de Properce, avec notes, qu’il allait donner au monde. À cette demande je répondis nécessairement que je n’avais pas un penny, et cet aveu le conduisit à me questionner sur la nature de mes projets. Mes projets étaient tout juste ce qu’était ma bourse. « Je vois, me dit-il, que vous ne connaissez pas la ville. Regardez ces prospectus ; sur ces simples prospectus, je vis très-confortablement depuis douze ans. Un gentilhomme arrive-t-il de ses voyages, un créole de la Jamaïque, une douairière de sa terre ? vite, je propose une souscription. J’assiège d’abord leur cœur par la flatterie, et, la brèche ouverte, j’y jette mes prospectus. S’ils consentent tout d’abord à souscrire, nouvelle prière d’accepter une dédicace, moyennant finance. Si je réussis, instances nouvelles pour que leurs armes soient gravées en tête du livre. Je vis ainsi de la vanité, et