Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/156

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William Thornhill, son oncle, et à un autre gentilhomme de grande distinction, qui occupait un emploi dans le gouvernement.

« Thornhill parti, mon premier soin fut de remettre ma lettre de recommandation à son oncle, homme dont la réputation était de vertu universelle, et, ce qui vaut mieux, bien méritée. Ses gens me reçurent avec le sourire le plus avenant ; car le regard des domestiques dénote toujours la bienveillance du maître. On me fit entrer dans un grand salon, où sir William vint bientôt à moi. Je lui exposai l’objet de ma visite, et lui présentai ma lettre. Il la lut, et, après une pause de quelques minutes : « Veuillez, je vous prie, me dit-il, m’apprendre, monsieur, quel service vous avez rendu à mon parent pour mériter une si chaude recommandation. Je crois vous deviner ; vous vous êtes battu pour lui, et, instrument de ses désordres, vous venez m’en demander le prix. Je désire, monsieur, je désire sincèrement que mon refus soit aujourd’hui la punition de vos torts ; j’espère, du moins, qu’il sera pour vous un acheminement au repentir. » La leçon était sévère ; mais je la supportai patiemment, parce que je sentais qu’elle était juste.

« Tout mon espoir était maintenant dans ma lettre au grand seigneur. La porte des gens de qualité est incessamment assiégée de mendiants qui s’efforcent d’y glisser quelque demande bien intéressée ; aussi je m’aperçus qu’il n’est pas facile de se la faire ouvrir. Toutefois, quand la moitié de ce que je possédais en ce monde eut graissé la patte aux gens, je fus introduit dans un vaste salon, ma lettre préalablement remise pour passer sous les yeux de Sa Seigneurie. En ce moment d’anxiété, j’eus tout le temps de regarder autour de moi. Chaque chose était magnifique, et merveilleusement disposée ; peintures, meubles, dorures me pétrifiaient de respect, et augmentaient encore l’idée que je me faisais du maître. — Ah ! me disais-je en moi-même, qu’il doit être grand le possesseur de tout ceci, dont la tête porte le fardeau des affaires de l’État, dont la maison déploie la moitié des richesses du