Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/174

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bal, à la toilette, à la conversation ; je me sentais toujours malheureuse. Les messieurs qui venaient me voir me parlaient sans cesse du pouvoir de mes charmes, et cela ne faisait qu’augmenter ma mélancolie ; car ce pouvoir… je l’avais perdu à jamais. Chaque jour, nous devenions, moi plus pensive, lui plus insolent, jusqu’au moment où le monstre eut l’effronterie de m’offrir à un jeune baronnet de sa connaissance. Ai-je besoin de le dire ? son ingratitude était pour moi un coup de poignard. Ma réponse à sa proposition fut de la rage. Je voulus partir ; au moment où je sortais, il m’offrit une bourse ; mais, furieuse, je la lui jetai au visage, et m’arrachai de ses bras, tellement hors de moi, que, pendant un moment, je ne sentis point toute l’horreur de ma situation. Mais bientôt, quand je m’examinai moi-même, je ne vis en moi que quelque chose de vil, d’abject, de coupable, sans un seul ami ici-bas pour me donner asile. En ce moment, une voiture publique vint à passer ; j’y pris une place, sans autre but que de fuir aussi loin que possible un misérable que je méprisais, que je détestais, je suis descendue en cette maison où, depuis mon arrivée, mes propres chagrins et la brutalité de cette femme ont été toute ma compagnie. Les heures délicieuses que j’ai passées avec maman et ma sœur font maintenant mon supplice ; leur douleur est grande ; mais la mienne est bien plus affreuse, car la mienne est mêlée de crime et d’infamie.

— Patience ! mon enfant, nous aurons du mieux, je l’espère ; prends un peu de repos cette nuit, et demain je te rendrai à ta mère et au reste de la famille dont tu seras tendrement accueillie. Pauvre femme ! Oh ! ta fuite lui est allée au cœur ; mais elle t’aime toujours, Olivia, et elle te pardonnera. »