Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/18

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poir à cette conviction si soudaine, si imprévue, si consolante : Je sais jouer de la flûte ! De quelle volupté parfaite ne vint-elle pas enivrer son imagination aventureuse ! avec quel charme ne se prolongea-t-elle pas dans les rêves de son sommeil ! C’était l’époque des fêtes de village, l’époque des danses joyeuses et des plaisirs rustiques. Jamais la saison n’avait été plus belle ; jamais les ardeurs d’un soleil plus resplendissant n’avaient été tempérées par un air plus pur et plus doux. On est sûr alors d’être accueilli avec empressement partout où il y a de jeunes filles, des amants et des ombrages, quand on sait jouer de la flûte ; et il ne faut pas imaginer que ce ménestrel ambulant, qui excite de si vives émotions, ait rien à envier au bonheur des autres artistes. Il est pauvre, mais sa mendicité est celle d’Homère, qui donne des jouissances inexprimables pour un morceau de pain. C’est le berger poëte des Bucoliques ; c’est le troubadour des châtelaines ; c’est, comme Apollon exilé, l’arbitre et le roi des jeux champêtres ; c’est lui qui arrive aux jours fixés pour réparer les fatigues de la semaine, pour encourager les amours, pour calmer les inimitiés, pour faire oublier les maux soufferts. Lui seul embellit ce que l’art le plus raffiné n’oserait se proposer d’embellir, la campagne et les bois. Toutes ces merveilles s’opèrent avec une flûte. Le lendemain, Olivier vendit ses hardes et ses livres, paya ses dettes, se réserva quelque monnaie commune pour un besoin inattendu, et partit avec sa flûte. Je me connais peu en plaisirs, mais il me semble qu’un jour pareil doit être le plus heureux de la vie.

Goldsmith traversa ainsi la Hollande, la Flandre, la France,