Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/19

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la Suisse, l’Italie ; tantôt méditant sur les sciences qu’il avait apprises, tantôt composant des vers qu’il ne détruisait plus, parce qu’ils commençaient à le contenter ; vivant partout des modestes bénéfices d’un musicien de village, et n’oubliant nulle part qu’il devait quelque chose de plus aux espérances de sa mère. Un jour, ce joueur de flûte alla se faire recevoir docteur en médecine à Padoue ; et le lendemain, plus paisible sur son avenir, s’il en avait jamais douté, il revint faire danser les brunes et piquantes paysannes des rives de la Brenta. C’est alors qu’il dut se comparer, en souriant, au dieu même de la poésie, qui savait également guérir les maladies du corps et les maladies de l’esprit, et qui avait, comme lui, parcouru le monde avec des simples et des chansons. Il avait près de vingt-huit ans quand il rentra en Angleterre, pauvre comme il en était parti ; mais fortifié contre toutes les vicissitudes par une philosophie insouciante et rieuse : « Que m’importent, disait-il, les vains caprices de la fortune ? En quelque lieu que je me trouve, et quel que soit le destin qu’elle me réserve, j’ai ma part des dons de la terre. Le soleil luit pour moi comme pour les riches ; la nature se pare pour moi comme pour eux de ses habits de printemps, et il faut si peu de chose à l’homme ! » Il se présenta cependant aux chefs sottement gourmés de quelques maisons d’éducation, à quelques directeurs d’hôpitaux, à quelques riches apothicaires. C’était, hélas ! la saison où la cigale ne chante plus. Les avares fourmis de la cité de Londres lui conseillèrent de danser. Il est vrai que sa figure ouverte, mais commune, et que la petite vérole n’avait pas épargnée, son mauvais accent irlan-