Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/207

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un bénéfice bien faible sans doute, mais suffisant pour son entretien.

Je ne m’en tins pas là ; j’établis des amendes pour la mauvaise conduite, des récompenses pour tout travail extraordinaire. Bref, en moins de quinze jours, j’avais fait de la population de la prison quelque chose de sociable et d’humain ; je pouvais me regarder comme un législateur qui avait ramené des hommes de leur férocité native à l’amitié et à l’obéissance.

Il serait bien à souhaiter que le pouvoir législatif imprimât à la loi cet esprit plutôt de réforme que de sévérité ; qu’il parût reconnaître enfin que le moyen d’extirper le crime, c’est, non pas de familiariser avec la peine, mais de la faire redouter. Au lieu de nos prisons actuelles qui pervertissent les hommes quand elles ne les reçoivent pas tout pervertis, où l’on renferme, pour avoir commis un seul crime, des malheureux qui en sortent, lorsqu’ils en sortent vivants, capables de commettre des milliers de crimes, il serait à souhaiter que nous eussions, comme dans tous les autres États de l’Europe, des maisons de pénitence et d’isolement où les prévenus pussent être entourés de gens en état de leur inspirer le repentir, s’ils sont coupables, un plus vif amour de la vertu, s’ils sont innocents. C’est par là, non par l’aggravation des peines, que les mœurs peuvent être améliorées.

Je ne puis m’empêcher de contester aux sociétés le droit qu’elles s’arrogent de punir de mort des fautes bien légères. Dans le cas de meurtre, leur droit est évident ; car la loi de notre propre défense nous fait à tous un devoir de retrancher de la société l’homme qui n’a pas respecté la vie de son semblable. Contre le meurtrier, la nature tout entière se lève en armes ; mais, contre celui qui me vole ma propriété, il n’en est pas de même. La loi naturelle ne m’autorise pas à disposer de sa vie ; car, pour elle, le cheval volé est la propriété du voleur autant que la mienne. Mon droit, dans ce cas, si j’en ai un, doit nécessairement résulter d’un contrat entre nous, stipulant la mort de