Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/22

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tune, étaient capables du moins de lui assurer l’honorable indépendance du travail. L’auteur du Vicaire de Wakefield pouvait être prote, sans déroger, dans l’imprimerie de l’auteur de Clarisse Harlowe, et il entra, sous ce titre, chez l’immortel Richardson. On aurait bien de la peine à trouver maintenant chez nos habiles typographes deux ouvriers de cet ordre-là.

Avec Johnson et Richardson, les deux meilleurs camarades de Goldsmith étaient le fantasque Shéridan et le sévère Burke. Entendez-vous ! Johnson, Richardson, Shéridan, Burke et Goldsmith ! Société merveilleuse de jeunes talents sans orgueil, où chacun jouissait du talent des autres sans l’envier, et dans laquelle la seule primauté reconnue appartenait à qui saurait aimer le mieux ! Ce serait aussi une chose assez remarquée aujourd’hui. Johnson ne connaissait aucun style qui fût comparable à celui de Goldsmith ; et, de son côté, Goldsmith, épris de la période large et nombreuse de Johnson, n’aspirait qu’à l’imiter. Si quelque admirateur obséquieux s’attachait de préférence à une de ses pages : « Ne vous y trompez pas, disait Goldsmith, c’est que j’étais inspiré, ce jour-là, par sa conversation ou par sa lecture, et que je faisais du vrai Johnson. » Johnson lui serrait alors la main, et lui disait en souriant : « Fais du Goldsmith. »

Depuis longtemps déjà, dans mon récit, Goldsmith a embrassé la profession d’auteur ; et il y a par conséquent longtemps que j’aurais abandonné l’histoire du poëte, si je parlais d’un autre poëte. Heureux dans le roman, heureux dans la comédie, heureux même dans de misérables compilations