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est la vie de ce qu’on appelle un homme de lettres, quand on sait jouer de la flûte, ou qu’on peut exercer tout autre métier innocent et obscur qui fournit sans peine aux besoins de la journée.

Cependant l’argent venait, car les libraires anglais payent quelquefois ; et Goldsmith, ébloui de son opulence d’un moment, la mit à profit comme un poëte. Il lui fallut du luxe, des meubles élégants, de riches tapis, des livres précieux, un bel et vaste appartement. Quelques semaines après, ses créanciers lui en firent une prison, où il regretta souvent la paille sur laquelle il avait dormi, si libre et si heureux, au temps de sa pauvreté. Là se réveillèrent tous les souvenirs d’un bonheur inappréciable que l’on n’a pas su goûter ; toutes ces idées fraîches et pures qui n’apparaissent qu’à la jeunesse, et qui deviennent le talent de l’âge mûr dans les hommes qu’une mauvaise destinée a voués au talent d’écrire. Là se ranimèrent, sous leur aspect le plus doux, et revêtus de leurs plus naïves couleurs, les tableaux touchants de la ferme et du village, l’intérieur grave et tendre de la famille, le portrait du paisible agriculteur et du bon prêtre. Il y composa le Vicaire de Wakefield. Johnson, qui chérissait déjà l’auteur, se chargea de la vente du manuscrit ; et le libraire vint lever la consigne du tapissier.

Le Vicaire de Wakefield répara une partie des folles profusions de Goldsmith ; mais il ne lui fournit pas le moyen de se livrer de nouveau à son penchant pour la dépense. Heureusement cet ouvrage l’avait recommandé à d’illustres amitiés qui, sans être en position de servir beaucoup à sa for-