Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/254

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espérait que je ne refuserais point mon ministère pour rendre, dans la matinée, tout le monde heureux. Pendant que nous causions, un valet de pied nous annonça le retour de l’exprès. Je m’étais tenu prêt dans l’intervalle, je descendis, et je trouvai la compagnie se livrant à tout ce que la fortune et l’innocence peuvent donner de joie. Toutefois, comme ils se préparaient en ce moment à une très-grave cérémonie, leurs rires me déplurent. Je leur rappelai l’air de recueillement, le maintien décent qu’ils devaient prendre, les hautes pensées auxquelles ils devaient s’élever dans la célébration du saint mystère, et je leur lus, pour les préparer, deux homélies et une thèse de ma composition. Mais résistance complète, et un moyen de la vaincre ; même en se rendant à l’église, toute gravité fut à peu près mise de côté. Je marchais à leur tête, et, plus d’une fois, je fus tenté de me retourner tout en courroux.

À l’église, nouvel incident dont la solution ne me parut pas facile : quel couple serait marié le premier ? La future de George insistait vivement pour que lady Thornhill passât la première (ce qui devait être). Sophie s’y refusait obstinément, protestant que, pour tout au monde, elle ne voulait pas avoir à se reprocher une pareille inconvenance. La discussion se prolongea quelque temps entre toutes les deux avec une égale obstination, mais avec une égale bienséance. Moi, debout tout ce temps, mon livre ouvert, je me fatiguai enfin de cette lutte, et, le fermant : « Je vois, leur dis-je, que ni l’une ni l’autre, vous ne voulez être mariées ; autant vaut nous en retourner ; car, je le suppose, il ne se fera rien aujourd’hui. » Cette boutade les mit à la raison. Le baronnet et lady Sophie furent mariés les premiers, puis George et son aimable fiancée.

J’avais, le matin, donné l’ordre d’envoyer un carrosse à mon honnête voisin Flamborough et à sa famille. En rentrant à l’hôtel, j’eus le bonheur d’y trouver les deux miss Flamborough arrivées avant nous.