Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/255

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Jenkinson donna la main à l’aînée ; mon fils Moïse à l’autre. Depuis, j’ai remarqué qu’il a pour la petite un attachement réel. Mon consentement et ma bourse sont, pour lui, tout prêts quand il jugera à propos de les demander.

Nous ne fûmes pas plutôt rentrés, que mes paroissiens, informés de toutes mes bonnes fortunes, arrivèrent en foule pour me féliciter ; et, dans le nombre, ceux qui avaient tenté de m’enlever des mains de la justice, et que j’avais si vertement tancés. Je contai leur histoire à sir William, mon gendre, qui, en sortant, leur fit une nouvelle semonce. Mais les voyant tout déconcertés par la sévérité de ses reproches, il leur donna une demi-guinée pour boire à sa santé et se remettre de leur déconvenue.

Un moment après, on nous annonça un magnifique repas préparé par le cuisinier de M. Thornhill. À propos de ce gentleman, je dois faire remarquer qu’il habite, à titre de familier, le château d’un parent dont il est fort bien venu, et il ne mange à la seconde table qu’autant qu’il n’y a pas de place à la première, ce qui est fort rare ; car on ne le traite point en étranger. Son temps se passe surtout à égayer le cher parent, qui est un peu mélancolique, et à lui apprendre à donner du cor. Ma fille aînée se le rappelle toujours avec regret ; elle m’a même dit, mais j’en fais grand mystère, que, s’il se réforme, elle pourra cesser de lui tenir rigueur.

Je reviens au dîner ; car je ne sais pas faire de ces sortes de digressions ; au moment de nous mettre à table, toutes nos cérémonies allaient recommencer. La question était de savoir si ma fille aînée, déjà dame depuis longtemps, ne devait pas prendre place ayant les deux jeunes mariées. Mais George coupa court au débat en proposant de placer, sans autre étiquette, chaque mari à côté de sa femme. Sa motion fut accueillie à l’unanimité, moins une voix, celle de ma femme, qui, autant que je pus le voir, ne se trouvait pas tout à fait contente.