Page:Goldsmith - Le Vicaire.djvu/80

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paroisse : elles savaient à merveille la gigue et la ronde, mais elles ne connaissaient pas le moins du monde les contredanses. Nous fûmes tout d’abord un peu déconcertés ; mais, après quelques en avant, quelques glissades, elles finirent par s’en tirer fort gaiement.

Notre musique se composait de deux violons, d’une flûte et d’un tambourin. La lune brillait de tout son éclat ; M. Thornhill et ma fille aînée menaient le bal, au grand contentement des spectateurs ; car tout le voisinage, au bruit de notre petite fête, était venu se grouper autour de nous.

Ma fille avait dans tous ses mouvements tant de grâce et de vivacité, que l’amour-propre de ma femme ne put encore y tenir. « Chère petite chatte ! me dit-elle ; tous ces pas si bien faits, c’est à moi pourtant qu’elle les a volés ! » Vainement nos dames de la ville s’évertuaient à lutter de souplesse : pirouettes, brusques échappées, langoureuses ou sémillantes allures, rien n’y faisait ; la galerie sans doute trouvait tout cela fort bien, mais le voisin Flamborough remarquait que le pied de miss Livy retombait toujours après la mesure, comme l’écho après la voix.

On dansa environ une heure ; puis les deux dames, qui craignaient de s’enrhumer, demandèrent qu’on cessât le bal ; et, à ce propos, l’une d’elles formula, il me semble, sa pensée d’une manière bien triviale, quand elle nous dit que, par Jésus vivant, elle était toute en nage !

En rentrant, nous trouvâmes un souper froid fort élégant que M. Thornhill avait fait apporter avec lui. La conversation fut dès lors plus réservée qu’auparavant. Les deux dames éclipsèrent complétement mes filles ; car elles ne parlèrent que grand monde, société du grand monde, et autres choses à la mode, tableaux, goût, Shakspeare, harmonica. Une ou deux fois, à la vérité, elles nous embarrassèrent fort en laissant échapper un juron ; mais c’était pour moi une preuve