Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/141

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c’est plus ça à c’t’heure… Ils font des histoires dans le quartier… un tas d’horreurs qu’ils disent sur nous… Des vipères, quoi !… Tout ça, nous sommes au-dessus, je sais bien… Quand on a été honnête toute sa vie. Dieu merci !… Mais on ne sait jamais ce qui retourne : mademoiselle n’aurait qu’à mettre le nez dans les affaires de sa bonne… Moi d’abord la justice, rien que l’idée, ça me retourne les sens… Qu’est-ce que tu dis de ça, hein, bibi ?

— Dame, maman… ce que tu voudras.

— Ah ! je savais bien que tu l’aimais, ta bonne chérie de maman ! fit en l’embrassant la monstrueuse femme. — Eh bien ! invite-la à dîner ce soir… Tu monteras deux bouteilles de notre Lunel… du deux francs… de celui qui tape… Et qu’elle vienne sûr… Fais-lui des yeux… qu’elle croie que c’est aujourd’hui le grand jour… Mets tes beaux gants : tu seras plus révérend…

Le soir Germinie arriva sur les sept heures, tout heureuse, toute gaie, tout espérante, la tête remplie de rêves par l’air de mystère mis par Jupillon à l’invitation de sa mère. L’on dîna, l’on but, l’on rit. La mère Jupillon commença à laisser tomber des regards émus, mouillés, noyés sur le couple assis en face d’elle. Au café, elle dit, comme pour rester seule avec Germinie : — Bibi, tu sais que tu as une course à faire ce soir…

Jupillon sortit. Mme Jupillon, tout en prenant son café à petites gorgées, tourna alors vers Germinie le visage d’une mère qui demande le secret d’une