Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/154

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stinctivement en avant, sans lui répondre, deux ou trois pas qui se sauvaient.

— Germinie !

Jupillon ne lui dit que cela, sans bouger, sans la suivre. Elle revint à lui comme une bête ramenée à la main et dont on retire la corde.

— Quoi ? fit-elle. C’est-il encore de l’argent, hein ?… ou des sottises de ta mère à me dire ?

— Non, c’est que je m’en vais, lui dit Jupillon d’un air sérieux. Je suis tombé au sort… et je pars.

— Tu pars ? dit-elle. Ses idées avaient l’air de n’être pas éveillées.

— Tiens, Germinie, reprit Jupillon… Je t’ai fait de la peine… Je n’ai pas été gentil avec toi… je sais bien… Il y a eu un peu de ma cousine… Qu’est-ce que tu veux ?…

— Tu pars ? reprit Germinie en lui prenant le bras. Ne mens pas… tu pars ?

— Puisque je te dis qu’oui… et que c’est vrai… Je n’attends plus que ma feuille de route… Il faut plus de deux mille francs pour un homme cette année… On dit qu’il va y avoir la guerre : enfin, c’est une chance…

Et, tout en parlant, il faisait descendre la rue à Germinie.

— Où me mènes-tu ? lui dit-elle.

— Chez m’man donc… pour qu’on se raccommode toutes les deux, et que ça finisse, les histoires…