Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se soulevait de temps en temps pour aller l’embrasser sur quelque endroit de sa robe, revenait s’asseoir, puis un instant après recommençait.

Il y avait du déchirement et de l’imploration dans ces caresses, dans ces baisers de Germinie. La mort qu’elle avait entendue venir à elle comme une personne, avec le pas de quelqu’un, ces heures de défaillance où, dans le lit, seule avec elle-même, elle avait revu sa vie et remonté son passé, le ressouvenir et la honte de tout ce qu’elle avait caché à Mlle de Varandeuil, la terreur d’un jugement de Dieu se levant du fond de ses anciennes idées de religion, tous les reproches, toutes les peurs qui se penchent à l’oreille d’une agonie, avaient fait dans sa conscience une suprême épouvante ; et le remords, le remords qu’elle n’avait jamais pu tuer en elle, était maintenant tout vivant et tout criant dans son être affaibli, ébranlé, encore mal renoué à la vie, peine rattaché à la croyance de vivre.

Germinie n’était point une de ces natures heureuses qui font le mal et en laissent le souvenir derrière elles, sans que le regret de leurs pensées y retourne jamais. Elle n’avait pas, comme Adèle, une de ces grosses organisations matérielles qui ne se laissent traverser par rien que par des impressions animales. Elle n’avait pas une de ces consciences qui se dérobent à la souffrance par l’abrutissement et par cette épaisse stupidité dans laquelle une femme végète, naïvement fautive. Chez elle, une sensitivité maladive, une sorte d’éréthisme cérébral,