Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/171

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une disposition de tête à toujours travailler, à s’agiter dans l’amertume, l’inquiétude, le mécontentement d’elle-même, un sens moral qui s’était comme redressé en elle après chacune de ses déchéances, tous les dons de délicatesse, d’élection et de malheur s’unissaient pour la torturer, et retourner, chaque jour, plus avant et plus cruellement dans son désespoir, le tourment de ce qui n’aurait guère mis de si longues douleurs chez beaucoup de ses pareilles.

Germinie cédait à l’entraînement de la passion ; mais aussitôt qu’elle y avait cédé, elle se prenait en mépris. Dans le plaisir même, elle ne pouvait s’oublier entièrement et se perdre. Il se levait toujours dans sa distraction l’image de mademoiselle avec son austère et maternelle figure. À mesure qu’elle s’abandonnait et descendait de son honnêteté, Germinie ne sentait pas l’impudeur lui venir. Les dégradations où elle s’abîmait ne la fortifiaient point contre le dégoût et l’horreur d’elle-même. L’habitude ne lui apportait pas l’endurcissement. Sa conscience souillée rejetait ses souillures, se débattait dans ses hontes, se déchirait dans ses repentirs, et ne lui laissait pas même une seconde la pleine jouissance du vice, l’entier étourdissement de la chute.

Aussi quand mademoiselle, oubliant la domestique qu’elle était, se penchait sur elle avec une de ces familiarités brusques de la voix et du geste qui l’approchaient tout près de son cœur, Germinie confuse,