Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/187

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de chaque matin. Une dizaine de fois, mademoiselle avait tenté de piquer là-dessus l’amour-propre de Germinie ; mais alors, tout un jour, c’était un nettoyage si forcené et accompagné de tels accès d’humeur, que mademoiselle se promettait de ne plus recommencer. Un jour pourtant elle s’enhardit à écrire le nom de Germinie avec le doigt sur la poussière de sa glace ; Germinie fut huit jours sans le lui pardonner. Mademoiselle en vint à se résigner. À peine si elle laissait échapper bien doucement, quand elle voyait sa bonne dans un moment de bonne humeur : — Avoue, ma fille, que la poussière est bien heureuse chez nous !

À l’étonnement, aux observations des amies qui venaient encore la voir et que Germinie était forcée de laisser entrer, mademoiselle répondait avec un accent de miséricorde et d’apitoiement : — Oui, c’est sale, je sais bien ! Mais que voulez-vous ? Germinie est malade, et j’aime mieux qu’elle ne se tue pas. Parfois, quand Germinie était sortie, elle se hasardait à donner avec ses mains goutteuses un coup de serviette sur la commode, un coup de plumeau sur un cadre. Elle se dépêchait, craignant d’être grondée, d’avoir une scène, si sa bonne rentrait et la voyait.

Germinie ne travaillait presque plus ; elle servait à peine. Elle avait réduit le dîner et le déjeuner de sa maîtresse aux mets les plus simples, les plus courts et les plus faciles à cuisiner. Elle faisait son lit sans relever les matelas, à l’anglaise. La domes-