Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/193

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rhythme, leur déchirement, et leurs larmes, ainsi que de la bouche d’une comédienne admirable. Elle avait des mouvements de tendresse coupés par des cris ; puis venaient des révoltes, des éclats, une ironie merveilleuse, stridente, implacable, s’éteignant toujours dans un accès de rire nerveux qui répétait et prolongeait, d’écho en écho, la même insulte. Mademoiselle restait confondue, stupéfaite, écoutant comme au théâtre. Jamais elle n’avait entendu le dédain tomber de si haut, le mépris se briser ainsi et rejaillir dans le rire, la parole d’une femme avoir tant de vengeances contre un homme. Elle cherchait dans sa mémoire : un pareil jeu, de telles intonations, une voix aussi dramatique et aussi déchirée que cette voix de poitrinaire crachant son cœur, elle ne se les rappelait que de Mlle Rachel.

À la fin, Germinie s’éveilla brusquement, les yeux pleins des larmes de son sommeil, et se jeta au bas du lit, en voyant sa maîtresse rentrée. — Merci, lui dit celle-ci, ne te gêne pas !… Vautre-toi sur mon lit comme ça !

— Oh ! mademoiselle, fit Germinie, je n’étais pas où vous mettez votre tête… La, ça vous réchauffera les pieds.

— Ah çà ! veux-tu me dire un peu ce que tu rêvais ?… Il y avait un homme… tu te disputais…

— Moi ? fit Germinie, je ne me rappelle plus…

Et cherchant son rêve, elle se mit à déshabiller silencieusement sa maîtresse. Quand elle l’eut couchée : Ah ! mademoiselle, lui dit-elle en lui bordant