Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/197

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remplaçante de Mme Jupillon, partie pour aller tenir une épicerie à Bar-sur-Aube, la nouvelle crémière lui passait son mauvais lait, et quand elle lui disait que mademoiselle s’en plaignait, qu’elle avait des reproches tous les matins : — Votre mademoiselle, répondait la crémière, avec ça qu’elle vous gêne ! Chez la fruitière, quand elle sentait un poisson et qu’elle lui disait : Il a été sur la glace celui-là… — Bon ! faisait la fruitière, dites tout de suite que je l’y mets des influences de la lune dans les ouïes pour le faire paraître frais !… On est donc dans ses jours difficiles, aujourd’hui, ma biche ? Mademoiselle voulait pour un dîner qu’elle allât à la Halle ; elle en parla devant la fruitière : — Ah ! bien oui, à la Halle ! Je voudrais vous voir aller à la Halle ! Et elle lui lança un coup d’œil où Germinie vit son compte monté chez sa maîtresse. L’épicier lui vendait son café qui sentait le tabac à priser, ses pruneaux avariés, son riz éventé, ses vieux biscuits. Quand elle s’enhardissait à lui faire une observation :

— Ah ! bah ! disait-il, une vieille pratique comme vous, vous ne voudriez pas me faire des traits… Puisque je vous dis que je vous donne bon… Et il lui pesait cyniquement à faux poids ce qu’elle demandait et ce qu’il lui faisait demander.