Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XLIV.


Une grande douleur de Germinie, — une douleur qu’elle cherchait pourtant, — était de repasser, en revenant de chercher le journal du soir pour mademoiselle, avant dîner, dans une rue où était une école de petites filles. Souvent elle se trouvait devant la porte à l’heure de la sortie ; elle voulait se sauver, — et s’arrêtait.

C’était d’abord le bruit d’un essaim, un bourdonnement, une envolée, une de ces grandes joies d’enfants qui font gazouiller la rue à Paris. De l’allée étroite et noire qui suivait la classe, les petites se sauvaient comme d’une cage ouverte, s’échappaient pêle-mêle, couraient en avant, gaminaient au soleil. Elles se poussaient, se bousculaient, faisaient sauter au-dessus de leurs têtes leurs paniers vides. Puis les groupes s’appelaient et se formaient ; les petites mains allaient à d’autres petites mains ; les amies se donnaient le bras, des couples se prenaient par la taille, se tenaient par le cou, et se mettaient à aller en mordant à la même tartine. La bande bientôt marchait, et toutes remontaient la rue sale, lentement, en musardant. Les plus grandes, qui avaient dix ans, s’arrêtaient pour causer, comme de petites femmes, aux portes co-