Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/199

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chères. D’autres faisaient halte pour boire à la bouteille de leur goûter. Les plus petites s’amusaient à mouiller dans le ruisseau la semelle de leurs souliers. Et il y en avait qui se coiffaient d’une feuille de chou ramassée par terre, vert bonnet du bon Dieu sous lequel riait leur frais petit visage.

Germinie les regardait toutes et marchait avec elles : elle se mettait dans les rangs pour avoir le frôlement de leurs tabliers. Elle ne pouvait quitter des yeux ces petits bras sous lesquels sautait le carton de l’école, ces petites robes brunes à pois, ces petits pantalons noirs, ces petites jambes dans ces petits bas de laine. Il y avait pour elle comme un jour divin sur toutes ces petites têtes de blondines aux doux cheveux d’enfant Jésus. Une petite mèche folle sur un petit cou, un rien de chair d’enfant au haut d’un bout de chemise, au bas d’une manche, par instants elle ne voyait plus que cela ; c’était pour elle tout le soleil de la rue, — et le ciel !

Cependant la troupe diminuait. Chaque rue prenait les enfants des rues voisines. L’école se dispersait sur le chemin. La gaieté de tous ces petits pas s’éteignait peu à peu. Les petites robes disparaissaient une à une. Germinie suivait les dernières ; elle s’attachait à celles qui allaient le plus loin.

Une fois qu’elle marchait ainsi, dévorant des yeux le souvenir de sa fille, tout à coup prise d’une rage d’embrasser, elle se jeta sur une des petites, l’empoigna par le bras, avec le geste d’une