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voleuse d’enfant… — Maman ! maman ! cria et pleura la petite en s’échappant. Germinie se sauva.


XLV.


Les jours succédaient aux jours pour Germinie, pareils, également désolés et sombres. Elle avait fini par ne plus rien attendre du hasard et ne plus rien demander à l’imprévu. Sa vie lui semblait enfermée à jamais dans son désespoir : elle devait continuer à être toujours la même chose implacable, la même route de malheur, toute plate et toute droite, le même chemin d’ombre, avec la mort au bout. Dans le temps, il n’y avait plus d’avenir pour elle.

Et pourtant, dans la désespérance où elle s’accroupissait, des pensées la traversaient encore par instants, qui lui faisaient relever la tête et regarder devant elle au delà de son présent. Par instants, l’illusion d’une dernière espérance lui souriait. Il lui semblait qu’elle pouvait encore être heureuse, et que si certaines choses arrivaient, elle le serait. Alors elle imaginait ces choses. Elle disposait les accidents, les catastrophes. Elle enchaînait l’impossible à l’impossible. Elle refaisait toutes les chances de sa vie. Et son espérance enfiévrée se mettant à créer à l’horizon des événements de son