Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/244

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d’être frappée. Il lui était venu une envie instinctive, irraisonnée, d’être brutalisée, meurtrie, de souffrir dans sa chair, de ressentir un choc, une secousse, une douleur qui fît taire ce qui battait dans sa tête. Des coups, elle n’imaginait que cela pour en finir. Puis, après les coups, elle voyait, avec la lucidité d’une hallucination, toutes sortes de choses se passer, la garde arrivant, le poste, le commissaire ! le commissaire devant lequel elle pourrait tout dire, son histoire, ses misères, ce que lui avait fait souffrir cet homme, ce qu’il lui avait coûté ! Son cœur se dégonflait d’avance à l’idée de se vider, avec des cris et des pleurs, de tout ce dont il crevait.

— Mais bats-moi donc, répétait-elle en marchant toujours sur Jupillon, qui cherchait à s’effacer et lui jetait en reculant des mots caressants comme on en jette à une bête qui ne vous reconnaît pas et qui veut mordre. Un rassemblement commençait autour d’eux.

— Allons, vieille pocharde, n’embêtons pas monsieur, fit un sergent de ville qui, empoignant Germinie par un bras, la fit tourner sur elle-même rudement. Sous l’injure brutale de cette main de police, les genoux de Germinie fléchirent : elle crut s’évanouir. Puis elle eut peur, et se mit à courir dans le milieu de la rue.