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LVI.


La passion a des retours insensés, des revenez-y inexplicables. Cet amour maudit que Germinie croyait tué par toutes les blessures et tous les coups de Jupillon, il revivait. Elle était épouvantée de le retrouver en elle en rentrant. La seule vue de cet homme, cette approche de quelques minutes, le son de sa voix, la respiration de l’air qu’il respirait, avaient suffi pour lui retourner le cœur et la rendre toute au passé.

Malgré tout, elle n’avait jamais pu arracher tout à fait Jupillon du fond d’elle ; il y était resté enraciné. Son premier amour était lui. Elle lui appartenait, contre elle-même, par toutes les faiblesses du souvenir, toutes les lâchetés de l’habitude. D’elle à lui, il y avait tous les liens de torture qui nouent la femme pour toujours, le sacrifice, la souffrance, l’abaissement. Il la possédait pour avoir violé sa conscience, piétiné sur ses illusions, martyrisé sa vie. Elle était à lui, à lui éternellement, comme au maître de toutes ses douleurs.

Et ce choc, cette scène qui aurait dû lui donner l’horreur de le rencontrer jamais, ralluma en elle la frénésie de le revoir. Toute sa passion la reprit. La pensée de Jupillon l’emplit jusqu’à la purifier. Elle