Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/270

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partir. La nouvelle venue fit de même, embrassa Germinie, et la quitta aussitôt. Après les femmes, un homme vint ; puis ce fut une autre femme. Tous, au bout d’un instant, se penchaient sur la malade pour l’embrasser, et dans chaque baiser Mlle de Varandeuil percevait vaguement un marmottement de paroles, des mots échangés, une demande sourde de ceux qui embrassaient, une réponse rapide de celle qui était embrassée.

— Eh bien ! dit-elle à Germinie, j’espère qu’on te soigne !

— Ah ! oui, répéta Germinie, avec une voix singulière, on me soigne !

Elle n’avait plus l’air vivant comme au commencement de la visite. Un peu de sang monté à ses joues y était resté seulement ainsi qu’une tache. Son visage semblait fermé ; il était froid et sourd, pareil à un mur. Sa bouche rentrée était comme scellée. Ses traits se cachaient sous le voile d’une souffrance infinie et muette. Il n’y avait plus rien de caressant ni de parlant dans ses yeux immobiles, tout occupés et remplis de la fixité d’une pensée. On eût dit qu’une immense concentration intérieure, une volonté de la dernière heure, ramenait au dedans de sa personne tous les signes extérieurs de ses idées, et que tout son être se tenait désespérément replié sur une douleur attirant tout à elle.

C’est que ces visites qu’elle venait de recevoir, c’étaient la fruitière, l’épicier, la marchande de beurre, la blanchisseuse, — toutes ses dettes vivan-