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III.


Dans sa rêverie, Mlle de Varandeuil avait fermé les yeux.

La parole de la bonne s’arrêta, et le reste de sa vie, qui était sur ses lèvres ce soir-là, rentra dans son cœur.

La fin de son histoire était ceci.

Lorsque la petite Germinie Lacerteux était arrivée à Paris, n’ayant pas encore quinze ans, ses sœurs, pressées de lui voir gagner sa vie et de lui mettre son pain à la main, l’avaient placée dans un petit café du boulevard où elle servait à la fois de femme de chambre à la maîtresse du café et d’aide aux garçons pour les gros ouvrages de l’établissement. L’enfant, sortie de son village et tombée là brusquement, se trouva dépaysée, tout effarouchée dans cette place, dans ce service. Elle sentait le premier instinct de ses pudeurs et la femme qu’elle allait être frissonner à ce contact perpétuel avec les garçons, à cette communauté de travail, de repas, d’existence avec des hommes ; et chaque fois qu’elle avait une sortie et qu’elle allait chez ses sœurs, c’étaient des pleurs, des désespoirs, des scènes où, sans se plaindre précisément de rien, elle montrait comme une terreur de rentrer, disant qu’elle ne voulait plus rester là, qu’elle s’y déplaisait, qu’elle