Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Germinie. Elle avait mis un peu de son existence sur cette enfant. Elle s’y était attachée par les inquiétudes et les sacrifices. Elle l’avait disputée et reprise à la maladie : cette vie de la petite fille était son miracle. Cependant elle comprenait qu’elle ne pourrait jamais la prendre chez mademoiselle ; que mademoiselle, à son âge, avec la fatigue de ses années et le besoin de tranquillité des vieilles gens, ne supporterait jamais le bruit toujours remuant d’un enfant. Puis, cette petite fille dans la maison prêtait aux cancans et faisait causer toute la rue : on disait que c’était sa fille. Germinie s’en ouvrit à sa maîtresse. Mlle de Varandeuil savait tout. Elle savait qu’elle avait pris sa nièce ; mais elle avait fait semblant de l’ignorer, elle avait voulu fermer les yeux et ne rien voir pour tout permettre. Elle conseilla à Germinie de confier sa nièce à sa sœur, en lui montrant toutes les impossibilités de la garder, et lui donna l’argent pour payer le voyage du ménage.

Ce départ fut un déchirement pour Germinie. Elle se trouva isolée et inoccupée. N’ayant plus cette enfant, elle ne sut plus quoi aimer ; son cœur s’ennuya, et, dans le vide d’âme où elle se trouvait sans cette petite, elle revint à la religion et reporta ses tendresses à l’église.

Au bout de trois mois, elle reçut la nouvelle de la mort de sa sœur. Le mari, qui était de la race des ouvriers geignards et pleurards, lui faisait dans sa lettre, avec de grosses phrases émues et des