Page:Goncourt - Germinie Lacerteux, 1889.djvu/83

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Maintenant, il y était enfoncé, et toute saignante de jalousie, elle se trouvait affaiblie, sans résistance, défaillante comme une personne blessée à mort devant le bonheur qui lui venait.

Pourtant elle repoussa les tentatives, les hardiesses du jeune homme, sans rien dire, sans parler. Elle ne songeait pas à lui appartenir autrement ni à se livrer davantage. Elle vivait de la pensée d’aimer, croyant qu’elle en vivrait toujours. Et dans le ravissement qui lui soulevait l’âme, elle écartait sa chute et repoussait ses sens. Elle demeurait frémissante et pure, perdue et suspendue dans des abîmes de tendresse, ne goûtant et ne voulant de l’amant que la caresse, comme si son cœur n’était fait que pour la douceur d’embrasser.


X.


Cet amour heureux et non satisfait produisit dans l’être physique de Germinie un singulier phénomène physiologique. On aurait dit que la passion qui circulait en elle renouvelait et transformait son tempérament lymphatique. Il ne lui semblait plus puiser la vie comme autrefois, goutte à goutte, à une source avare ; une force généreuse et pleine lui coulait dans les veines ; le feu d’un sang riche lui courait dans le corps. Elle sentait une chaude