Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/102

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dra à la bouche, devant ce ramas d’imbécillités cannibalesques et de rhétorique anthropophage. Il faut le lire pour le croire, pour croire que cela est arrivé en France, il n’y a pas cent ans : le règne, la dictature homicide du bas, de la loge, de l’office, du portier, du domestique, de toutes les jalousies et délations d’inférieurs.

Une terrible objection, ces années ! contre la Providence. Si elle existe, ce n’est que pour tout tolérer, et Dieu, en ce temps, ressemble à Lafayette : il dort à tous les 6 octobre.

Et quelles hypocrisies, quels mensonges, cette Révolution ! Les devises, les murs, les discours, l’histoire, tout ment à cette époque. Ah ! quel livre à faire : les Blagues de la Révolution. Car où est l’opinion faite de la vérité vraie ? Qui a jamais remonté à la vérification des documents ? Quel est le fait de la Révolution que le patriotisme, la passion des partis, le journalisme, n’ont pas rendu légendaire ? De tous ceux qui parlent du fameux coup de sabre de Lambesc, quels sont ceux qui ont lu la justification de Lambesc et savent le vrai de la scène ? Et, dans le peuple de gobeurs du monde et de la rue, qui ont leur catéchisme tout fait sur la prise de la Bastille, combien savent le nombre de prisonniers que ces terribles et dévorants cachots ont lâché à la lumière ? Trois ou quatre !

23 décembre. — Été aujourd’hui voir le père Bar-