Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/162

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Suisse, gâté et violé par une école de tapins qui jouent du tambour sous les châtaigniers, et par l’horreur d’un dimanche auvergnat. Le village pétrifié, avec des silhouettes d’autochtones étagés sur leurs escaliers et finissant à un chien idiotisé sur la dernière marche : une population sans rire, sans voix, muette, concentrée.

Retour à Clermont. Nous battons la ville. À peine un passant. La tristesse plate et dominicale de la province, à laquelle s’ajoute ici le deuil de l’horrible pierre du pays, la pierre ardoisée de Volvic qui ressemble à ces pierres de cachot, dans les décors de cinquième acte des drames du boulevard. De temps en temps, un campo qui conseille le suicide, une petite place aux petits pavés pointus, entre lesquels pousse l’herbe d’une cour de séminaire, et où les chiens bâillent en passant. Une église, la cathédrale des charbonniers, noire au dehors, noire au dedans ; un tribunal, un temple noir de la Justice, un Odéon de la loi, académiquement funèbre, et d’où l’on tombe sur une promenade, où les arbres maigrissent d’ennui dans une grande ombre moisie. Toujours et partout, ces fenêtres et ces portes encadrées de noir, ainsi que des lettres de faire-part mortuaires. Et sempiternellement à l’horizon, cet éternel Puy de Dôme, dont le cône bleuâtre ressemble si épicièrement à un pain de sucre, enveloppé de son papier.

À la fin, nous nous sommes assis sur un banc moussu, tumulaire, devant des façades qui avaient les mélancolies des bords de canal, peints par Pierre