Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/164

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déjeuner, des promenades où elle jette comme la dictée de ses pensées. Aujourd’hui elle crache ses amertumes à propos de l’ingratitude des artistes, au sujet de X… et de Y…, qu’elle accuse d’avoir mené toute l’intrigue, pour empêcher la première médaille d’Hébert. Elle rappelle tout ce qu’elle a fait pour eux. Et elle s’étend éloquemment sur la peine qu’elle a eue à donner le goût de l’art à l’Empereur et à l’Impératrice, à imposer la mode de la peinture et des peintres à la société, « si bien, dit-elle, qu’aujourd’hui tout le monde a son artiste… Mon avoué a son peintre : c’est Corot… Positivement. »

Puis changeant de sujet : « Moi je n’ai jamais fait mon chemin avec l’Empereur, parce que je vais tout droit… On ne m’a jamais prise dans des tripotages, jamais, jamais !… On n’a jamais pu faire de moi, de ces gens qui pleurent, et se font payer leurs dettes, tous les six mois… » Cela sort d’elle avec une indignation et une montée de sang qui lui empourprent le teint.

Puis elle nous promène dans le château, nous faisant voir sa chambre, son cabinet, tout pleins de lumière ensoleillée, et tout amusants d’un encombrement de petits meubles à ses goûts, de commodes de petites filles et d’armoires pour les gâteaux de ses chiens. Elle nous dit, heureuse de nous montrer toutes ses chambres d’amis, qu’elle n’a qu’un plaisir, c’est d’avoir du monde, c’est de vivre au milieu de gens qui lui sont sympathiques et qu’elle aime, qu’elle aurait bien pu, si elle avait voulu, faire des