Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/165

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choses extraordinaires, des monuments, des palais de financiers, mais qu’elle aime bien mieux sa perse avec de vieux amis assis dessus.

Il faut un ou deux jours pour rentrer dans la pleine intimité de sa connaissance et retrouver la caresse de sa parole : « le cher » au lieu de « monsieur ». Son amitié qui n’oublie pas, s’échauffe pourtant avec la présence des gens.

J’ai remarqué chez la princesse un goût de toilette, particulier : le goût du ton ; ses robes sont toujours des robes de coloriste.

8 août. — Nous passons chez Sainte-Beuve. Une particularité, et qui indique et signifie bien l’essence démocratique de cet homme : c’est la toilette intime de son chez lui : la robe de chambre, le pantalon, la chaussette, la pantoufle, tout le lainage peuple qui lui donne l’aspect d’un portier podagre. Après avoir passé par tant de milieux, élégants, distingués, il n’a pu s’élever à la tenue d’un vieillard du monde, à l’enveloppe honorable de la vieillesse chez elle.

Il nous a longuement conté toute son affaire du Sénat, et toute la grosse popularité qu’elle lui avait faite. Et involontairement, pendant qu’il parlait, nous pensions comme un seul article d’une plume amère et vraie, un coup d’épingle de sincère honnête homme dégonflerait ce ballon de blague d’un martyr à trente mille francs de traitement, — un article où l’on rappellerait que, seul parmi les lettrés,