Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/201

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Une des premières fois que notre succès nous arrive à l’oreille, et qu’il se fait autour de nous un petit moutonnement de curiosité. Il y a des gens, presque aussi inconnus de nous que du public, qui disent nous admirer.

Au milieu de ce monde, un beau jeune homme, au gilet en cœur, à la chemise en échelle, au revers d’habit noir en velours, et décoré d’un camélia blanc, et odorant de senteurs qui puent : un mélange bâtard d’un jeune député du centre sous Louis-Philippe et d’un gandin de Napoléon III. C’est Marcelin, autrement dit Planat, un de mes anciens condisciples, le directeur de la Vie Parisienne. On nous présente, et deux heures après, nous soupons ensemble au café Anglais. Au bout de quatre ou cinq phrases, dites avec le ton suprême des journalistes du grand monde, je le trouve agaçant à l’image de son journal. C’est le Parisien des opinions chic, l’amateur à fleur de peau, un ami de Worth citant Henri Heine. Donc il me déplaisait déjà, quand il m’est devenu odieux, en disant d’une fausse peinture de Rubens qu’il a chez lui : « C’est si honnête ! » Si honnête ! — Non je n’aime pas cette qualification pour célébrer un tableau.

14 février. — Chez la Païva.

Belle chose, la richesse. Elle fait tout pardonner. Et personne de ceux qui viennent ici, ne s’aperçoit que cette maison est la plus inconfortable de Paris.