Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/295

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élevant pour le serment une main rouge d’engelures, et parlant avec une voix modeste et brave, et confessant tout haut son amour pour l’homme qui est entre les gendarmes, — misérable cabotine, grandie de la grandeur que les douleurs de la femme prennent sur ce théâtre tragique.

 
 

Le procureur impérial prononce son réquisitoire où commence à apparaître le mot « expiation suprême ». Et maintenant dans les oreilles du vivant, le mot la mort, sa mort, ça va être l’effet et la fin de toutes les phrases de l’avocat général faisant son métier, de toutes les phrases de son défenseur s’efforçant d’agir dramatiquement sur la pitié du jury. Heures longues, où l’accusé retient sa tête entre ses deux mains, comme s’il la sentait moins solide sur ses épaules, et, pour ainsi dire, vacillante entre cette dispute qui s’en fait entre la Justice et la Défense.

L’avocat, c’était Lachaud, l’innocenteur patenté des assassins, un acteur de bas drame, apportant à son client une fausse émotion, une fausse sensibilité, une déclamation gesticulante et ambulatoire.

Le jour tombe, et le résumé du président sort de sa bouche édentée, comme d’un trou noir. La cour se retire, le jury entre en délibération.

Le public envahit le prétoire. La table des pièces à conviction est à demi cachée par le dos des curieux et le dos des municipaux coupés de buffleteries, penchés dessus. On dénoue la chemise ensanglantée,