Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/317

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sa peine à ses voisins, qui emportés par un généreux mouvement, font la somme en une heure.

À la Flèche, en huit ans, il ne sort que huit fois, chez un de ses professeurs qui l’avait pris en amitié, et pendant ces huit ans, il n’a pour tout argent que le sou par jour, donné aux élèves sur la cassette du roi Charles X ; — et encore, ce sou, le perd-il, en 1830.

À dix-huit ans, il entre à Saint-Cyr, et il a, par jour, les deux sous du soldat, et de là il passe dans l’armée comme sous-lieutenant, où en ce temps, les sous-lieutenants avaient une paye mensuelle de 63 francs. Alors, des années pendant lesquelles il tire le diable par la queue, et cela jusqu’en 1846, où il était nommé capitaine, et envoyé en Afrique. Il y débarquait, endetté de 1,500 francs, avec 30 francs dans sa poche, n’ayant pas de quoi acheter un cheval.

28 juin — Il y a ici, près de l’établissement des bains, un petit pavillon en bois, où un vieux militaire vous fait voir un miracle d’art. C’est une chambre obscure. Qu’on imagine dans la nuit de la petite pièce, sur une feuille de papier — dont le rond d’une timbale de guerre du XVIIIe siècle peut donner l’idée — les montagnes, les torrents, les omnibus, les chevaux, les passants, peints et touchés, comme par les plus admirables petits maîtres qu’on pourrait rêver. Car le côté curieux de cette représentation, ce n’est pas la nature telle que vos yeux la voient, c’est la plus jolie, la plus spirituelle, la plus blonde, la