Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/319

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des inquiétudes politiques du moment… Le docteur Philips se met à parler de certaines maladies toutes modernes, de maladies nerveuses comme celles qui naissent de certains travaux mécaniques, des mêmes mouvements répétés, de seconde en seconde, pendant sept heures, ainsi que dans la machine à coudre, puis d’une maladie particulière de la moelle épinière, produite chez les chauffeurs, par le tremblement perpétuel de la machine, enfin des nécroses venant à la mâchoire inférieure des jeunes filles, fabriquant des allumettes.

Phillips parle encore ce soir de lord Hertford, qui meurt d’un cancer à la vessie, d’un mal où l’on meurt en pleine torture, et dont l’archi-millionnaire anglais supporte les souffrances, depuis neuf ans, avec une énergie extraordinaire.

Soit par amour de l’argent soit par originalité, un avare extraordinaire que lord Hertford ! Il n’a jamais donné à dîner à personne, et l’on cite le nom d’un mortel qui, tombé chez lui à l’heure du déjeuner, y mangea une côtelette. Au commencement de sa maladie, Phillips y attrapa un bouillon, et encore le major, l’intime de la maison, et que lord Hertford appelle son compagnon de débauche, frappant sur l’épaule du chirurgien, en le reconduisant, lui dit : « Vous avez eu de la chance d’obtenir cela ici ! »… Chez lord Hertford la méchanceté noire de sa famille et la haine de l’humanité. C’est de lord Hertford qu’on a cette terrible phrase, qu’il aimait à répéter : « Les hommes sont mauvais, et quand je mourrai,