Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/320

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j’aurai au moins la consolation de n’avoir jamais rendu un service ! »

— Nous, nous pour qui le travail a été la jouissance de toute notre vie, nous nous sentons physiquement incapables de travailler, et cela au moment, où nous sommes arrivés à l’entier développement de notre talent, et où nous sommes pleins de grandes choses, que nous avons le désespoir de ne pouvoir exécuter.

1er août. — Saint-Gratien.

Le prince Napoléon dîne ce soir… Il est en veine d’amabilité, il cause avec une mémoire ethnographique merveilleuse, se rappelant les noms et la physionomie de tous les lieux par lesquels il vient de passer, et déclare qu’il n’a plus qu’un seul plaisir au monde : c’est le voyage. Il ajoute que c’est la ressource de ceux qui ne peuvent plus se livrer à l’activité amoureuse, et qu’il a remplacé l’amour par la locomotion.

L’autre semaine j’écrivais que les princes n’aiment pas les gens malades. Je dois faire amende honorable. La princesse nous a pris tous les deux dans un petit coin, nous a pressés de la manière la plus tendre, la plus amicalement bourgeoise, de sortir de notre chez nous agaçant, se moquant joliment de l’ennui que j’éprouvais à lui apporter la tristesse de