Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/347

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qui vous force à répéter, trois ou quatre fois, la même question, à laquelle il répond à la fin, avec un effort ennuyé.

Le tact de l’esprit a été en premier lieu attaqué, maintenant c’est une complète perversion du tact matériel.

Ce soir, — j’en ai honte, — à propos de quelque chose que je voulais qu’il fît pour sa santé, et qu’il n’a pas voulu faire… Ah ! je suis malheureux, et ça a mis au dedans de moi une irritation colère, qui fait que je ne suis plus toujours maître des mouvements de mon âme… Donc je lui ai dit que je sortais et qu’il ne m’attendît pas, parce que je ne savais pas quand je rentrerais. Il m’a laissé partir avec un air indifférent. J’ai battu le Bois dans la nuit, hachant les herbes et les feuilles à coups de canne, et me sauvant de mon toit, quand il m’apparaissait entre les arbres… puis enfin, très tard, je suis revenu.

À mon coup de sonnette, quand la porte s’est ouverte, j’ai vu, sur le haut de l’escalier, le bien-aimé enfant qui venait de sortir de son lit en chemise, et tout de suite, j’ai entendu sa voix me caresser de toutes sortes d’interrogations amies.

Il est impossible d’exprimer la joie presque stupide que j’ai eue à retrouver ce cœur, auquel je ne croyais plus.

6 mai. — Dans mon malheur, il me vient une dureté pour le malheur des autres, que je n’ai jamais