Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/356

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tant de calme, de tranquillité, ses regards doux, sourieurs fixés sur moi… Je crus à une crise semblable au mois de mai… Mais tout à coup, il se renversa la tête en arrière, et poussa un cri rauque, guttural, effrayant, qui me fit fermer la fenêtre.

Aussitôt sur son joli visage, des convulsions qui le bouleversèrent, déformant toutes les formes, changeant toutes les places, pendant que des contractions terribles tiraillaient ses bras, comme si elles voulaient les retourner, et que sa bouche tordue crachotait une écume sanguinolente. Assis sur son traversin, derrière lui, mes mains tenant ses mains, je pressai, contre mon cœur et le creux de mon estomac, je pressai sa tête, dont je sentais la sueur de mort, peu à peu, mouiller ma chemise, et à la fin, couler le long de mes cuisses.

À cette crise, succédèrent des crises moins violentes, pendant lesquelles son visage redevint celui que je connaissais. Ces crises furent bientôt suivies d’un calme délirant. C’étaient des élévations de bras au-dessus de sa tête, avec des appels à une vision qu’il appelait à lui avec des baisers. C’étaient des élancements qui ressemblaient à des envolées d’oiseau blessé, en même temps que sur sa figure apaisée, aux yeux congestionnés de sang, au front tout blanc, à la bouche entr’ouverte et pâlement violette, était venue une expression qui n’était plus humaine, l’expression voilée et mystérieuse d’un Vinci. Plus souvent encore, c’étaient des terreurs, des fuites de corps, des blottissements sous les draps,