Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/371

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ça a le vague des choses qu’on perçoit dans un commencement d’évanouissement, et il me semble, par moments, avoir dans les oreilles le bruissement de grandes eaux qui s’écouleraient au loin… Je vois cependant Théophile Gautier et Saint-Victor pleurer… Oh ! ces chants d’église m’assassinent avec leur éternel et implacable Requiescat in pace. Eh ! oui, c’est convenu, après cette vie de travail et de lutte, la paix du repos, c’est bien le moins qui lui soit dû !

Pour aller au cimetière, nous prenons le chemin qui nous a conduits si souvent chez la princesse, puis nous passons par des parties de boulevards extérieurs, où nous avons tant de fois vagué pour Germinie Lacerteux et Manette Salomon… Des arbres étêtés à la porte d’un cabaret, me rappellent une comparaison qui est dans un de nos livres… Puis je tombe dans une espèce de somnolence, dont je suis tiré par la secousse d’un tournant raide, le tournant du cimetière.

Je l’ai vu disparaître dans le caveau, où sont mon père, ma mère, et où il y a encore une place pour moi…

En rentrant, je me suis couché et, couvrant mes draps de ses portraits, je suis resté avec son image jusqu’à la nuit.