Page:Goncourt - Journal, t3, 1888.djvu/91

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Sainte-Beuve, fort ému de la querelle, me fait venir auprès de lui, essaye de me calmer, en me promenant la main sur le bras, et tâche de tout raccommoder, en proposant d’un côté à mes adversaires, de fonder un club d’homériques, pendant qu’il me frictionne de l’autre côté… Tout peu à peu s’éteint, et Saint-Victor en s’en allant me tend la main… J’aurais voulu qu’il ne me la tendît pas.

C’est une amitié qui nous pèse, et dans laquelle se débattent douloureusement des sympathies littéraires et le souvenir de services reçus, avec les blessures faites à notre affection par la butorderie et l’intolérance du lettré et de l’homme.

27 octobre. — Répétition de la Conjuration d’Amboise. Au fond Bouilhet est un élève de Casimir Delavigne, Victor Séjour et Hugo. Ça ne fait rien : c’est un garçon travaillant honorablement et qui s’applique. Je dirai que c’est très bien, autant que je puis dire une chose que je ne pense pas.

28 octobre. — Flaubert présente aujourd’hui Bouilhet chez la princesse. Je ne sais quelle malencontreuse inspiration a eue le poète à déjeuner. Mais il sent comme tout un omnibus du Midi. Nieuwerkerke remonte épouvanté, disant : « Il y a en bas un auteur qui sent l’ail ! »