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semblant à une grande marée lointaine. Les heures ne tombent plus dans le silence d’un lieu désert.

Mardi 30 mai. — De temps en temps des bruits redoutables : des écroulements de maisons et des fusillades.

Jeudi 1er juin. — Immense course en voiture avec mon jeune cousin Marin.

La rue de Rivoli, encore toute fumante. La rue Saint-Antoine, sans trace de bataille, sauf aux alentours de la Bastille. Le boulevard, quelques maisons brûlées, çà et là. La dévastation circonscrite autour du Château-d’Eau. La caserne, les magasins effondrés, le Château-d’Eau, sens dessus dessous, avec un lion resté debout, et dont un boulet, passant entre ses crocs, a fait un lion rugissant.

Nous remontons Belleville. Dans le bas de la grande rue, la trace d’un chaud combat, trace qui s’efface et disparaît dans la partie élevée, où apparaît seulement, par-ci par-là, une éraflure blanche sur un mur. Mais dans toute la montée, des restes de barricades sur lesquelles passe, en nous cahotant, notre coupé. Des rues vides. Des gens qui boivent dans des cabarets, avec des visages mauvaisement muets. Un quartier qui a l’apparence d’un quartier vaincu, mais non soumis.

Des groupes de lignards se promènent le fusil à