Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/210

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d’un volume qu’il fait dans ce moment sur Ronsard, pour la maison Hachette, sur ce poète qu’il dit avoir eu, en son temps, une popularité plus grande que Hugo n’en a eu dans ce siècle, de ce révolutionnaire de la poésie française, qui avec lui n’est plus la poésie de Marot et de Mellin de Saint-Gelais. Le curieux de cette révolution, me fait remarquer Heredia, c’est que le retour à la nature de Ronsard, est amené par l’étude et l’emploi dans son œuvre de l’antiquité : retour qui a lieu plus tard chez André Chénier par la même source et les mêmes procédés.

Puis Heredia me lit des vers de sa seconde fille, qu’il me peint avec une petite tête, aux longs cheveux, un œil parfois un peu en dedans, l’ensemble d’une physionomie du Vinci : une fillette de quatorze ans qui joue encore à la poupée, et qui s’amuse seulement, quand il pleut, à faire ces vers tout à fait extraordinaires.

Et c’est l’occasion pour le père de s’étendre sur l’atavisme, de se demander si le style ne vient pas d’un certain mécanisme du cerveau qui se lègue, et dont sa fille a hérité, car elle a toutes ses qualités de fabrication, jointes à « une essence poétique » qu’il confesse ne pas avoir, et qui doit faire d’elle, si elle continue, un poète remarquable. Mais va te faire fiche… dans le moment elle ne fait plus du tout de vers. Il a eu la bêtise de lui acheter une guitare, et elle est toute à la guitare.