Page:Goncourt - Journal, t8, 1895.djvu/221

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Daudet, et soutenir que l’homme de maintenant vaut mieux que l’homme d’il y a deux cents ans.

Sur le coup de onze heures, on s’embrasse et on se quitte, et Montégut et Nicolle me font la conduite, Nicolle, un garçon du plus grand talent, mais incontestablement le plus grand bavard scientifique, que je connaisse, me parlant dans le roulement de la voiture, sans relâche et sans miséricorde, de l’adaptation de l’œil de l’aigle et de l’œil du sauvage pour la vision des grands espaces, et de la myopie produite par la civilisation, me parlant des microbes du tétanos qu’on trouve en quantité dans la terre des Hébrides, où les sauvages n’ont qu’à enfoncer leurs flèches pour qu’elles soient empoisonnées, me parlant de je ne sais quoi encore, quand la voiture s’est arrêtée devant ma porte.

Mardi 17 février. — J’ai envoyé ce matin ma préface à Magnard, en réponse à Renan, et j’attends sa réponse pour savoir, si elle passera dans le Figaro. Et je ne suis en train de rien faire, et ayant besoin d’être absent de chez moi, et un peu de moi-même, je m’en vais au Musée du Louvre, remiser mon esprit dans du vieux passé.

Ah ! cette vieille Grèce vert-de-grisée ! Ah ! ces miroirs de Corinthe ! Ah ! toutes ces choses de la vie usuelle, rongées par la rouille des siècles, et où survit et se détache dans un fragment de métal pourri,