Page:Goncourt - Les Frères Zemganno, 1879.djvu/201

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humiliations qui font du vaincu un esclave du vainqueur. Alors Gianni détachait à son tour son violon, et en tirait des sons charmeurs doux et tendres, et dans lesquels filtrait la bonté d’une âme humaine aux heures de clémence et de pardon. Et, à mesure qu’il jouait, le lutin se redressant peu à peu, s’approchait de la musique avec un ravissement descendant ostensiblement au fond de tous ses membres.

Tout à coup le lutin se relevait, et, ainsi que sous la puissance d’un exorcisme qui rejette violemment d’un possédé l’esprit infernal, on voyait ce corps, sans toutefois qu’il y eût rien de laid ni de repoussant dans le spectacle, se tordre, se contourner, se déformer. Il lui venait des gonflements, des dépressions défendues à une anatomie humaine et pleines de terreur. Il se faisait, en cette chair au repos, des creusements de reins, des saillies d’omoplates étranges ; la colonne vertébrale comme passée du dos sur le devant de la poi-