Page:Gorki - La Mère, 1945.djvu/182

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— Viens, Vlassov !

— En arrière, Pavel !

— Jette-moi le drapeau, Pavel ! dit Vessoftchikov d’un air sombre. Donne-le, je le cacherai…

Il saisit la hampe, le drapeau vacilla.

— Laisse-le ! cria Pavel.

Le grêlé retira sa main comme si on l’avait brûlé. Le chant s’était éteint. Les jeunes gens s’arrêtèrent, entourant Pavel d’un cercle compact qu’il parvint à franchir. Le silence se fit tout d’un coup, brusquement, et enveloppa le groupe.

Sous l’étendard, il y avait une vingtaine d’hommes, pas plus ; mais ils tenaient bon. La mère tremblait pour eux ; elle souhaitait vaguement de pouvoir leur dire on ne savait quoi.

— Lieutenant… prenez-lui donc cela ! fit la voix mesurée du grand vieillard.

Et, tendant la main, il désigna le drapeau.

Le petit officier accourut ; il saisit la hampe en criant d’une voix perçante :

— Donne !

— Non ! À bas les opprimeurs du peuple !…

L’étendard rouge tremblait en l’air ; il se penchait tantôt à droite, tantôt à gauche, puis il se redressait. Vessoftchikov passa devant la mère avec une rapidité qu’elle ne lui connaissait pas, le bras tendu, le poing serré.

— Saisissez-les ! grogna le vieillard en frappant du pied.

Quelques soldats s’élancèrent. L’un d’eux brandit sa crosse ; l’étendard frissonna, se pencha et disparut dans le groupe grisâtre des soldats.

— Hé ! soupira tristement une voix.

La mère poussa un cri, un hurlement qui n’avait plus rien d’humain. La voix nette de Pavel lui répondit, du milieu des soldats :

— Au revoir, maman ! au revoir, ma chérie !

— Il est vivant ! Il s’est souvenu de moi !

Ces deux pensées lui frappèrent le cœur.

— Au revoir, ma petite mère !

Pélaguée se dressa sur la pointe des pieds en agitant les bras. Elle voulait voir son fils et son camarade : elle