Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/198

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— Seigneur ! Est-ce possible ?

— Ne criez pas ! ordonna l’agent de police d’un ton sévère.

Grand-père promena un regard circulaire autour de lui et m’aperçut :

— Serre les pelles et rentre à la maison !

Je me cachai dans un coin ; les deux hommes se rendirent au logis du charretier ; l’agent avait enlevé le gant de sa main droite et il en frappait sa main gauche en expliquant :

— Il a compris ! Il a abandonné son cheval et a pris la fuite !…

Je courus à la cuisine pour raconter à grand’mère tout ce que j’avais vu et entendu ; je la trouvai pétrissant la pâte pour le pain et secouant sa tête enfarinée. Après m’avoir écouté, elle conclut tranquillement :

— Il aura sans doute commis un vol… Va t’amuser, mon enfant !

Lorsque je descendis dans la cour, grand-père était debout, tête nue, près de la porte basse et se signait en regardant le ciel. Une de ses jambes tremblait et il avait l’air très irrité :

— Je t’ai dit de rentrer ! cria-t-il en tapant du pied.

Il me suivit ; dès qu’il fut dans la cuisine, il appela grand’mère :

— Mère, viens ici !

Tous deux passèrent dans la pièce voisine où ils chuchotèrent longtemps. Lorsque mon aïeule revint, je sentis nettement qu’il s’était passé quelque chose d’épouvantable.

— Qu’est-ce qui t’a fait peur ?