Page:Gorki - Ma Vie d’enfant.djvu/83

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Une nuit, comme grand’mère, agenouillée, conversait à cœur ouvert avec Dieu, grand-père entra en coup de vent dans la pièce et annonça d’une voix bouleversée :

— Le Seigneur nous éprouve, mère, la maison brûle !

— Que dis-tu là ! s’exclama-t-elle en se levant brusquement, et tous deux se précipitèrent en piétinant avec lourdeur dans les ténèbres de la grande pièce de réception.

— Eugénie, descends les saintes images ! Nathalie, habille les enfants ! commanda grand’mère d’une voix ferme et sonore, tandis que son mari larmoyait tout bas :

— Hi, hi, hi…

Je courus à la cuisine ; la fenêtre qui donnait sur la cour étincelait comme de l’or ; sur le plancher, des taches jaunes coulaient et dansaient ; l’oncle Jacob, tout en s’habillant, sautait sur ces taches qui semblaient brûler ses pieds nus, et il criait :

— C’est Mikhaïl qui a mis le feu ; il a mis le feu et il s’est sauvé !

— Silence, vaurien ! ordonna grand’mère en le poussant vers la porte avec une telle violence qu’il faillit tomber.

À travers les vitres couvertes de givre on voyait flamber le toit de l’atelier et, par la porte ouverte de l’appentis, on apercevait le feu ondoyant qui tourbillonnait à l’intérieur. Dans la nuit paisible, ses