Page:Gournay - Les advis ou Les présens de la demoiselle de Gournay (1641).pdf/886

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
868
LES ADVIS.

La fille de[1] Glaucus Deïphobe il ameine,
D’Hecate & d’Apollon Preftreffe fouueraine.
Prince Royal, dit-elle, aux Siecles immortel,
Quitte-là cefpectacle & te rends à l’Autel :
Prenant ſelon nos Loix aux hardes impoluës
Sept taureaux fans macules & ſept brebis efleues.
Ces animaux de choix par Ænée immolez,
La Vierge a les Troyens au beau Temple appellez.
Du flot roulant d’Eubee vn grand rocher s’approche,
Vn Antre au large creux eſt taillé dans la roche.
Là ſe conduit le pied par cent chemins diuers,
Autant d’huys tenebreux là mefme font ouuerts,
D’où s’eflancent cent voix affreuſes aux oreilles
Quand la fureur prophete annonce ſes merueilles,
La Preftrelle s’efcrie arriuant en ce lieu :
L’Oracle il faut tentér, voicy, voicy le Dieu.
Comme elle eut dit ces mots au feuil de la Cauerne
Vn changement ſubit au viſage on diſcerne :
Le cœur bouilt de fureur dans le ſein oppreſſé,
La couleur ſe ternit, le poil eſt heriffé :
Plus grande elléparoift, & fa voix plus qu’humaine
Del’eftommac enflé pantelle & fort à peine :
Vrays ſignes que le Dieu pres de foy l’attirant,
Va de ſon feur diuin ſes veines inſpirant.
Que tarde ta priere, o Roy Troyen, dit elle ?
Que ne volent tes vœux à la voulte eternelle ?
Sans eux legrand Cachot croullant & gros d’effroy
Les cent goſiers beants ne doibt ouurir pour toy.
Deiphobe ſe taift, &cla frayeur geléc
Dans les os des Troyens tout à coup eſt coulee :
Et leur Roy Demy-dieu hauſſant au Ciel les yeux
D’vne priere ardentehonnore ainfiles Dieux.
O Toy puiſſant Phebus, dont les foins ſalutaires
Protegeoient Illion & pleignoient ſes miferes :
Qui les traits de Paris & fa Troyenne main,

  1. I’ay iuftifié des le premier Liure, ceſte termiaaifon & ſes ſemblables.