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LA SOCIÉTÉ MOURANTE

aux individus de se changer, pendant sept, cinq et en dernier ressort, trois ans, de se changer, disons-nous, en automates, en machines à tuer et en chair à canon.


Et cependant il y a eu des protestations, il y en a toujours eu ; la désertion et l’insoumission durent naître avec l’institution des armées permanentes, mais ces actes n’étaient guère raisonnés : le déserteur, l’insoumis, n’en appelait pas au strict droit individuel, ils ne furent sans doute dus qu’à des répugnances personnelles qui ne devaient même pas prendre la peine de s’analyser.

Allons plus loin. Les protestations qui s’élevaient, dans la littérature, contre la guerre et le militarisme, ne furent guère que des explosions de sentiments et nullement ou très peu appuyées sur des déductions logiques basées sur la nature humaine et le droit individuel.

L’armée ! la patrie ! mais la bourgeoisie et les lettrés ses thuriféraires avaient tellement entonné de louanges en leur honneur, entassé tant de sophismes et de mensonges en leur faveur, qu’ils étaient arrivés à les faire voir parées de toutes les qualités dont ils les avaient ornées, que personne n’osait mettre en doute l’existence desdites qualités ; on posait en fait que l’armée est le réservoir de toutes les qualités, de toutes les vertus civiques. Pas de roman où l’on ne rencontrât le portrait du